mars 29, 2021

Pendant la pandémie, les franchisés sont passés à la vente en ligne

Par andy1712


La crise sanitaire a propulsé le e-commerce sur lequel les franchiseurs peinent encore à convaincre les réseaux.

Si 2020 a été pour le monde l’année du Covid-19, elle restera aussi dans la distribution comme celle du déclic digital. Au cœur de la crise, alors que les magasins avaient baissé le rideau, leurs sites web tournaient à plein régime. Par crainte de sortir et de contracter la maladie, ou par opportunité alors que les commerces étaient fermés, les consommateurs se sont convertis au commerce en ligne.

Les réseaux de franchise, qui peinaient parfois à faire leur révolution numérique, en ont profité pour convaincre les derniers Mohicans et accélérer leurs investissements dans le domaine.

«Pour les anciens franchisés, cela représente une organisation particulière à mettre en place. Pour les nouveaux c’est une évidence: le digital est un canal de vente supplémentaire dont on ne peut pas se priver», note Lionel Logiacco, codirigeant de Cash Express.

Aujourd’hui, le temps presse

Seulement la moitié des franchisés a accepté de se connecter à la vente en ligne pour le moment. Bien que le secteur de l’occasion ne soit pas le plus facile à digitaliser, cette faible représentation de l’offre Cash Express sur la toile est représentative.

Avec son addition d’indépendants, la franchise n’est pas à la pointe dans l’e-commerce. Par crainte que le site internet, géré par la tête de réseau, ne cannibalise les ventes des magasins sur le terrain et ne sème la zizanie dans les relations entre les parties, beaucoup de groupes se sont bien gardés de se pencher sur le sujet, laissant le terrain à d’autres.

Le retard de la franchise en la matière est sans doute le sujet qui fait le moins débat. Mais aujourd’hui, le temps presse. Même les clients les plus accrocs à leur commerce de proximité ont sauté le pas et basculé certains de leurs achats en ligne. Les points de vente doivent répondre présent.

Une trajectoire ambitieuse

«Le Covid a eu cette vertu de convaincre tout le monde qu’on ne pouvait plus attendre et qu’il était indispensable d’aller sur le digital», souligne Nicolas Dubois, directeur marketing et digital du groupe Emova (Monceau Fleurs, Au nom de la rose, Happy…).

Déjà engagé dans une démarche de relance de ce canal l’été dernier, le fleuriste en a vu les résultats dès le deuxième confinement, avec une explosion des ventes en ligne en novembre. Après quelques recadrages de la stratégie, Emova prévoit de tripler son chiffre d’affaires dans l’e-commerce cette année.

Dans le groupe Keria, qui exploite les enseignes Keria et Laurie Lumière, la question du rôle du point de vente physique est au cœur de l’accélération dans le numérique. Du coup, avant de développer son réseau en franchise (seulement huit points de vente sur soixante-dix pour le moment), l’entreprise veut poser les bases claires de cette répartition des rôles.

Conquérir les clients attirés par le prix

«C’est une année où nous avons perdu tous nos repères, c’est aussi une occasion de se poser pour bien réfléchir, avant d’accélérer sur le digital», souligne Antoine Tassigny, directeur général de Keria. Le franchiseur se place dans une trajectoire ambitieuse, espérant réaliser 10 % des ventes en ligne en 2020, le double très rapidement.

Début février 2021, le groupe a acquis le site internet luminaires-online.fr dans le but de combattre les pure players du secteur et de conquérir les clients attirés par le prix. En parallèle, le site keria.com doit être la vitrine du parc de magasins.

«La force de Keria c’est d’avoir un réseau, c’est un avantage concurrentiel pour proposer du “click and collect”, du conseil, du service après-vente», estime Antoine Tassigny. Pour transformer cet avantage, la direction veut inventer un nouveau chemin dans les relations entre franchiseur et franchisés.

«La vérité d’hier n’est plus celle de demain, les modèles qui avaient été inventés ont besoin d’évoluer: nous ne pouvons plus nous contenter de rétrocéder bêtement un pourcentage de la vente en ligne au franchisé le plus proche. Je crois que le partenariat de demain, c’est un échange mutuel de prestations de services et c’est dans cette logique que nous devons inscrire la relation contractuelle», insiste Antoine Tassigny. Il réfléchit par exemple à demander aux futurs franchisés de pouvoir reprendre ou réparer un produit acheté sur le web.

Ne pas voir internet comme un concurrent

Chez le caviste La Vignery, dont plus de la moitié du réseau est désormais en franchise, soit douze points de vente, la volonté du fondateur, Romain Mulliez, a également été de déminer le terrain digital dès le départ.

«Dès la rédaction de nos contrats de commercialisation, il y a cinq ans, nous ne voulions pas que nos franchisés voient le web comme un concurrent», rappelle Jérôme Guilluy, directeur général de l’enseigne. Pour éviter cet écueil, la tête de réseau a tenu à motiver les franchisés à développer leurs ventes en ligne au maximum.

Chez La Vignery, non seulement le chiffre d’affaires du «Cliquer et collecter» est attribué au magasin où les bouteilles sont récupérées, mais les achats réalisés par un client rattaché au magasin sont également comptabilisés pour celui-ci.

Le feu aux poudres

Dernière carotte: le chiffre d’affaires des ventes en ligne réalisées par des clients n’étant rattachés à aucun point de vente est réparti au prorata des magasins les plus actifs sur le web. Un attirail complet pour motiver les plus récalcitrants à la vente en ligne. «Chez nous, c’est un non-sujet : le développement d’internet développe le chiffre d’affaires de chacun, les franchisés ont tout à y gagner», précise Jérôme Guilluy.

Dans le vin, tous les arguments pour y aller doucement étaient pourtant recevables: les contenants sont lourds à transporter et fragiles, ce n’est pas un produit suffisamment formaté par le marketing pour se vendre correctement sans un minimum de conseil, d’argumentation, voire une dégustation… Mais, même pour ce secteur, le confinement a mis le feu aux poudres.

« Dès la rédaction de nos contrats de commercialisation, il y a cinq ans, nous ne voulions pas que nos franchisés voient le web comme un concurrent »

Jérôme Guilluy, directeur général d’Emova

En novembre 2020, la part des ventes en ligne avait doublé par rapport à l’année précédente chez la Vignery. Et les investissements doivent suivre, si l’on veut convaincre les franchisés. Chez Cash Express, c’est l’explosion. «Nous avons dû accélérer les investissements prévus en digital: alors que le budget initial était de 300.000 euros sur trois ans, nous en avons déboursé la moitié dès 2020», souligne Lionel Logiacco.

Pour permettre son accélération dans le numérique, le groupe Emova a dû donner des gages à ses franchisés quant à la simplicité du mécanisme et à leur intérêt financier. Après une première période de tests chez Monceau Fleurs à la rentrée 2020, des recadrages ont été opérés.

Face à la complexité de l’offre initialement prévue par le siège, encore trop de points de vente refusaient les commandes passées sur le site centralisé et préféraient laisser à l’atelier parisien le soin de confectionner et envoyer les bouquets. Ce semi-échec a convaincu l’enseigne de revoir sa copie pour augmenter le taux d’acceptation des commandes par les magasins les plus proches, afin de livrer plus vite.

Un test grandeur nature

«Nous avons travaillé en collaboration avec les représentants des franchisés pour adapter la gamme de bouquets et réfléchir ensemble à la composition et aux tarifs pour leur assurer un bon niveau de marge», précise Nicolas Dubois. En parallèle, le groupe a pris soin d’expliquer à ses partenaires les coûts d’acquisition d’un client internet et les investissements d’infrastructure informatique qu’il devait supporter, pour justifier sa commission d’apporteur d’affaires.

Après une tournée nationale en janvier, la direction du réseau espère avoir trouvé le juste équilibre pour convaincre tout le monde d’embarquer sur l’autoroute du digital. Dès la Saint-Valentin, le groupe s’est offert un test grandeur nature.

Pour la fête des amoureux, près de cent magasins des quatre enseignes Emova ont rejoint l’application Uber Eats pour proposer la livraison de bouquets en trente minutes chrono. L’histoire ne dit pas si le livreur avait le sourire, mais en réussissant ce pari, la franchise a retrouvé le sien.