mars 31, 2021

Quel impact sur la publicité avec la fin des cookies tiers ?

Par andy1712


La fin des cookies-tiers annoncée par Google va impacter les annonceurs et les internautes. Focus sur les différents changements et défis à venir.

La fin des cookies third-party engendre l’arrivée de nouvelles solutions pour la publicité en ligne. © New Africa – stock.adobe.com

D’ici 2022, Google mettra fin à l’utilisation des cookies tiers et, par conséquent, au tracking individuel qui fait débat quant à la protection des données personnelles.

Un changement qui risque de redessiner le marché de la publicité en ligne, autant du côté des annonceurs que des internautes. Décryptage avec Anne-Lise Toursel, Directrice des expertises Media & Creative de Kantar Division Insights en France et Pierre Tardu, Directeur de Clientèle chez Kantar Insight au sein de l’expertise Media & Creative.

La fin des cookies « third-party » est annoncée pour mars 2022. Quels sont les impacts attendus du côté des annonceurs ?

Les cookies tiers permettent de tracer les visites de sites Internet des internautes, et par extrapolation, connaître leur intérêt pour une catégorie de produit ou de service. L’exploitation de ces informations permet ainsi aux annonceurs de cibler des audiences en affinité avec leur activité.

La disparition programmée des cookies tiers est susceptible de réduire les capacités de ciblage des annonceurs, et ainsi impacter négativement la performance de leurs campagnes, puisqu’elles toucheront plus aléatoirement les internautes, de tous profils, plutôt que leur cible affinitaire, pour laquelle peut être destinée leur campagne publicitaire.

Quels nouveaux challenges vont-ils devoir affronter ?

Le principal challenge pour les annonceurs consistera donc à maintenir un niveau de visibilité de leurs campagnes publicitaires auprès de leur cible affinitaire, le risque étant qu’avec un ciblage moins performant, leurs prises de parole soient davantage diluées.

Pour quelles raisons Google souhaite mettre fins aux cookies tiers ?

Cette initiative s’inscrit dans un contexte de renforcement des mesures de protection des données individuelles, dans la lignée du règlement général sur la protection des données (RGPD). Certains navigateurs limitent d’ores et déjà l’exploitation des cookies tiers, et le navigateur de Google, Chrome, va désormais lui aussi appliquer ces restrictions.

Est-ce réellement la fin du ciblage sur Internet ? Quelles conséquences sont à prévoir pour les internautes ?

Non, ce n’est pas la fin du ciblage sur Internet, car d’autres outils permettent d’établir des profils d’audience, en s’appuyant par exemple sur des données first-party. Toutefois, les internautes pourront remarquer que les publicités auxquelles ils sont exposés sont moins pertinentes, moins en ligne avec leurs centres d’intérêt.

D’autres identifiants sont déjà utilisés pour suivre la navigation et l’exposition des individus, le cookie n’est qu’un marqueur dans chaque navigateur. Si les cookies disparaissent, c’est aussi car leur efficacité est remise en question depuis déjà plusieurs années avec les usages mobile-first.

L’écosystème publicitaire est-il vraiment en train de devenir plus vertueux, ou est-ce un simple ajustement technologique ?

Il y a deux volets importants, d’une part la protection des données individuelles, qu’il faut renforcer ; et d’autre part le ciblage des campagnes de publicités, qui sert à  améliorer leur pertinence du point de vue du consommateur et l’expérience de navigation sur Internet. Ces deux approches ne sont pas incompatibles, il y a un équilibre à trouver.

Soyons vigilant devant un risque de Privacy Washing : s’il n’y a plus de cookies tiers, il n’y a plus besoin de consentement du partage et de l’utilisation de ces données. Par conséquent, le premier effet est l’arrêt de la commercialisation de ces données individuelles. Puis lorsque ces données vont se rarifier, leurs dépositaires pourront exploiter cette rareté au travers de leurs services.

Finalement, nombreux sont les éditeurs qui ont dépensé d’importantes sommes pour une mise en conformité ainsi que pour des formations (DPO) qui deviendraient partiellement caducs.

Comment les annonceurs vont-ils s’adapter pour le ciblage de leurs campagnes et le retargeting ? Si les cookies tiers vont perdre leurs valeurs, les cookies dits « first-party » vont- ils connaître une (r)évolution ?

Il y a un regain d’intérêt pour les données first-party, qui représentent des données propriétaires en possession d’un annonceur ou d’un site (données issues d’un CRM, données complétées par les internautes dans des formulaires relatifs à des inscriptions, accès à des contenus, services ou achats sur Internet, ou encore des données de navigation collectées par les sites par exemple). Ces données peuvent être traitées et exploitées à des fins de profilage et de ciblage publicitaire.

D’autres sociétés travaillent sur la mise en place de données d’identifications tierces hors cookies pour compenser leur disparition. Leurs propositions de valeur sont de digitaliser les actifs data de leurs clients pour leur permettre d’effectuer des actions marketing digitales.

Pouvez-vous nous présenter le projet Moonshot, lancé en partenariat avec Google le mois dernier ?

Le projet Moonshot a pour objectif de renforcer la fiabilité et l’exhaustivité de la mesure d’efficacité des campagnes publicitaires sur Internet et cross-canal. Concrètement, les annonceurs nous mandatent pour mesurer la performance de leurs campagnes publicitaires et les retombées sur la perception du consommateur vis-à-vis de leur marque, que ce soit en termes de notoriété, d’affinité ou d’intention d’achat.

Plus précisément, notre mesure de l’exposition publicitaire auprès des internautes panélistes était réalisée jusqu’à lors via l’exploitation des cookies tiers. Dans ce contexte, nous avons initié des partenariats, notamment avec Google, afin de pérenniser cette mesure, dans le respect de la protection des données individuelles. Ce projet a une dimension globale et cross device qui représente une belle opportunité pour notre métier.

Sur quelles innovations vous basez-vous pour proposer une solution performante d’analyse de campagnes digitales ?

Kantar a développé une nouvelle approche de mesure de l’efficacité, reposant sur une méthodologie hybride d’intégration directe avec les éditeurs et d’un modèle probabiliste. Nous proposons aussi aux éditeurs partenaires deux options de déploiement cookie-less selon leur écosystème digital, en conformité avec la protection des données individuelles.

À l’avenir, comment les annonceurs vont pouvoir allier performance d’analyse, performance publicitaire, et respect des données personnelles ?

Une fois la barrière technique de la mesure levée, nous apportons une lecture cross-canal qui permet de mieux décrire l’impact des campagnes selon les cibles. Au-delà de la performance publicitaire et de sa mesure, c’est l’expérience de navigation des internautes qui importe le plus.

Il faut réussir à allier le respect de la vie privée avec un accès à des contenus publicitaires en adéquation avec les centres d’intérêt de l’audience pour améliorer cette expérience. La perception des annonceurs peut bénéficier de cette évolution, si bien sûr le contenu publicitaire fait sens et est en adéquation avec les attentes des consommateurs.